Bretagne, hiver 2017
Un vieil homme, juché sur une énorme pierre de plusieurs tonnes, frappe.
Il sculpte un monument. Ce n’est pas le premier. Shelomo Selinger est sculpteur mais aussi ancien déporté et ce qu’il sculpte est le monument des déportés du Luxembourg. Il est devenu célèbre après avoir réalisé le monument de Drancy, le lieu d’internement des déportés juifs français, dans la banlieue parisienne.
Sculpter n’est pas le mot juste. Shelomo frappe, taille une des roches les plus dures qui soit, le granit.
C’est un choix. Un choix issu de son passé qui s’entremêle à la Grande Histoire.
Car Shelomo Selinger est à la fois la mémoire de la Shoa, de la déportation et du travail forcé, mais aussi du périple à travers l’Europe et la Méditerranée pour rejoindre la Palestine et de la guerre qui a déclenché ensuite, pour l’Etat d’Israel.
Shelomo a vécu tout cela à la première personne, mais il ne se souvient de rien. Devenu sculpteur dans les années 50, il quitte le kibboutz en Israël et s’installe à Paris où il vit toujours, sculptant et dessinant ses mémoires. Par la pratique artistique, Shelomo a peu à peu retrouvé sa mémoire.
Son fils, Rami Selinger, lui aussi, est sculpteur mais un sculpteur de corps. Il est chirurgien plasticien et réparateur: son œuvre est directement inspiré de l’activité et de l’histoire de son père.
“Mon père travaille la mémoire, à travers le granit. Moi je travaille l’oubli, à travers la chair” dit Rami. “L’une aide à souvenir, l’autre à oublier: nous voilà donc au centre du problème. Quelle est la place de la mémoire et quelle est la place de l’oubli? La mémoire, celle de mon père, celle de mon peuple, est comme une flamme qui brûle et ne dois jamais s’étendre. Mais la mémoire de la souffrance est elle-même une souffrance. Il faut arriver à tenir le flambeau sans se brûler. Et sans bruler les autres”.
Rami participe aussi à des missions humanitaires de chirurgie réparatrice en Cisjordanie. La chair et le granit deviennent ainsi des terrains de quête.
Le principe de ce projet est de parcourir la vie de Shelomo là où elle s’imbrique à la Grande Histoire. Ce parcours est effectué à l’aide de son fils Rami et d’un “narrateur – enquêteur intime”, ami d’enfance de Rami et de Shelomo, Pierre Abramovici, historien et journalist.
Le récit est donc historique mais aussi bien poétique et intime, scandé par nombre d’archives et de documents et par les réalisation du Memorial de la Shoa au Luxembourg.
Britany, winter 2017
An old man, perched on a huge stone of several tons, strikes. He carves a monument. It is not the first one.
Shelomo Selinger is a sculptor but also a former deportee and what he carves is the monument of the deportees of Luxembourg. He became famous after having realized the monument of Drancy, the place of internment of the French Jewish deportees, in the suburbs of Paris.
Sculpting is not the right word. Shelomo strikes, one of the hardest rocks ever, granite. It’s a choice. A choice from his past that intertwines with the Great History.
Because Shelomo Selinger is both the memory of the Shoa, deportation and forced labor, but also the journey through Europe and the Mediterranean to reach Palestine and the war that then triggered, for the State Israel.
Shelomo experienced all this firsthand, but he does not remember anything.
He became a sculptor in the 50s, left the kibbutz in Israel and moved to Paris where he still lives, sculpting and drawing. Through artistic practice, Shelomo has gradually regained his memory.
His son, Rami Selinger, is also a sculptor but a sculptor. He is a plastic surgeon and repairer: his work is directly inspired by the activity and history of his father. « My father works memory, through the granite. I work oblivion, through the flesh » says Rami.
« One helps to remember, the other to forget: here we are at the center of the problem. What is the place of memory and what is the place of forgetting? The memory of my father, of my people, is like a burning flame and must never be extended. But the memory of suffering is itself a suffering. We must manage to hold the torch without getting burned. And without burning others ».
Rami also participates in humanitarian missions of reconstructive surgery in the West Bank. The flesh and the granite thus become quest fields. The principle of this project is to go through the life of Shelomo where she joins the Great History. This journey is made with the help of his son Rami and an « intimate narrator – investigator », childhood friend of Rami and Shelomo, Pierre Abramovici, historian and journalist. The story is therefore historical but poetic and intimate, punctuated by numerous archives and documents and by the realization of the Shoa Memorial in Luxembourg.